En régions centrales (sud du Québec), « là où ça se
passe », l’abolition des CRÉ est presqu’un fait divers. Des élus en tout genre ne s’en sont pas
particulièrement formalisés, certains allant même jusqu’à discrètement laisser
entendre qu’ils n’en avaient rien à foutre, bien qu’ils aient un œil torve sur
le pactole résiduel de ces instances socio-économiques en fin de vie. En régions périphériques, « là où tout
est à faire et refaire », la disparition des CRÉ élimine un « coffre
d’outils » dont la polyvalence servait manifestement de levier économique
salvateur. Pour les premières, la vision
stratégique à long terme se fond dans les discours de chambres de commerce et
autres groupes affairistes; la société civile, au sens large, réussit parfois à
y placer son mot. Pour les secondes, le
manque de cohésion des leaderships locaux et régionaux (MRC) à l’enseigne d’un
plan stratégique, faute d’une concertation rassembleuse, laisse ces territoires
à la merci des méthodes de survie collective, entretenant ainsi leurs retards et
écarts dans les statistiques officielles et officieuses. Et la société civile perd un lieu
d’harmonisation de ses revendications avec les visées politiques des élus. Bref, c’est le retour de Deux Québec dans
un! (Conseil des Affaires sociales, 1989).
Le « court-termisme démocratique » reprend de la vigueur… sous
prétexte politique de rigueur. Autant si
faire! La mobilisation citoyenne doit se
redéfinir.
Même si au dire des élites politiques « sévérité
budgétaire oblige! », n’empêche, cette mise au rancart des CRÉ manque de
classe. Peu d’égards pour des structures
de mobilisations citoyennes et de concertation qui ont su anticiper l’avenir
avec compétence, des structures qui ont donné pendant plus de 40 ans une voix,
et une écoute de l’État, à des régions constamment menacées de déstructuration
économique et d’exode de leurs forces vives.
Au moins, une épitaphe de quelques mots de reconnaissance aurait rappelé
au quidam que les CRD (Conseil régionaux de développement) et les CRÉ ont ragaillardi
les régions du Québec contemporain. Mais
quand des mon’oncles infiltrent les organisations politiques…, tout ce qui
réfléchit et questionne dérange.
Pour les CLD, maintenus dans la cure minceur ou intégrés
dans les méandres structurels des MRC, ils offriront « un panier de
services » amoindri dont le plat substantiel sera le support aux
entreprises manufacturières et commerciales… bien sûr! Pacte rural, les dossiers culturels,
bof… Quand on aura le temps… et le
budget! Quant aux enjeux stratégiques à
long terme pour stabiliser une démographique en gains de vieillissement,
attirer et retenir jeunes et familles, encourager la persévérance scolaire, promouvoir
les nouvelles technologies, faudra un Conseil des maires aussi visionnaire que
pro-actif; ça existe!
Et pour Solidarité rurale, dont les jours sont aussi
comptés, y a-t-il lieu de reprendre les États généraux de 1991 en mode 2.0 plus
affirmatif afin que l’occupation dynamique du territoire [tout le territoire!]
devienne une priorité politique nationale… dans un Québec de plus en plus
urbain… et rurbain?
Entre temps, ici à Cookshire-Eaton, la population augmente
(idem pour le role d’évaluation), les commerces de proximité prennent du
gabarit, les industries se numérisent, l’activité communautaire et culturelle
prend du mieux, et nous recevons l’effet bénéfique de l’activité économie et
culturelle de Sherbrooke (métropole régionale de 160 000 h.) avec ses
universités, ses collèges, ses filières-clé.
Les élus y perçoivent des opportunités qu’ils couplent aux potentiels
locaux. Des municipalités voisines font
de même. La déprime et les complaintes
ne sont pas des options… bien que nous sommes conscients des menaces causées
ailleurs à la ruralité